Freitag, 28. September 2007

A. Merkel, une exception allemande dans le monde machiste de la politique-people

Revue de la presse allemande (août 2007)


Faut-il voir dans l’ostensible étalage de muscles et de bronzage que nos chefs d’État, Poutine et Sarkozy en tête, ont fait cet été devant des caméras complaisantes, un simple caprice anodin de nos « sur-hommes » soignant leur ego ? Peut-être, si la situation planétaire n´était si explosive. Mais quel but poursuivent-ils donc par ces mises en scène ? Et pourquoi A. Merkel, réélue récemment la femme la plus puissante de la planète(1), ne semble-t-elle pas s’en émouvoir et se montre-t-elle même résolue à prendre le contre-pied de l’activisme ostentatoire de ses collègues hommes ? Les journaux allemands de ces dernières semaines se sont penchés sur le phénomène… avec des conclusions parfois surprenantes.


Sous le titre : « Les chefs d’État enlèvent le haut » suivi du sous-titre : « Barbotages politiciens : la testostérone en guise de carburant », le magazine SPIEGEL illustre son article du 15 août 2007 notamment par des photos de Sarkozy et de Poutine montrant fièrement leur poitrine dénudée. Avec un humour décidément perfide, l’hebdomadaire ne résiste pas au plaisir d’ajouter pour la comparaison, la photo de Daniel Craig en James Bond sortant des eaux. Histoire de rendre à César…..

Presque tous les journaux français et allemands on réservé à cet épisode politico-médiatico-machiste un article soit amusé, soit complaisant, parfois bref et anodin. Cependant certains journalistes, comme Andrea Böhm dans l’hebdomadaire DIE ZEIT(2), se sont livrés à une analyse approfondie de ce phénomène qui, selon l’auteur, dépasse le domaine de la politique-people. Ces journaux mettent en parallèle les démonstrations de force de certains de nos politiciens et la tension du climat politique dans le monde. « Avec Poutine et Sarkozy, la testostérone resurgit comme carburant dans la machinerie politique » constate pour sa part le SPIEGEL(3).
Dans son article intitulé « On est de vrais durs ! (2)», Andrea Böhm, dans DIE ZEIT, y voit « une symbolique politique, et dans ces temps où la politique tient de plus en plus de la performance, les présidents aussi doivent se découvrir – au sens propre comme au sens figuré ». En lisant ces remarques, comment s’empêcher de penser également à tous ces joggings quotidiens pratiqués devant (pour ?) les caméras. L’auteur va même plus loin en y décelant une réaction aux événements traumatisants subis par les Etats-Unis (11 septembre 2001) et par la Russie (perte de son rôle de superpuissance) et vécus par ces pays comme autant d’humiliations.
« Une attitude de militantisme adolescent érigé en style politique » cache en réalité, selon la journaliste, un manque d’assurance et de conscience de soi enfoui dans un « machisme théâtral ». Et nous voilà renvoyés aux gamineries de nos politiciens dénudés… La boucle est bouclée.

Ces mises en scène estivales ont fourni à la presse allemande une source d’inspiration formidable, d’autant plus que la Chancelière, Angela Merkel, ne l’a pas habituée à de telles méthodes de communication. Par conséquent, les journaux allemands se font un plaisir de décliner à foison la composante machiste du politicien en représentation permanente. Avec d’ailleurs, un sens de l’humour notable. Ainsi, dans l’hebdomadaire DIE ZEIT, Andrea Böhm nous livre, photos à l’appui, un catalogue des différentes variantes du politicien machiste ; dans l’ordre :
-> Le type « Dr. Folamour» : Mahmud A. (allusion au Docteur Folamour de Kubrick [Dr. Strangelove or : how I learn to stop worrying and love the bomb] – appelé tout simplement : Dr. Seltsam : “étrange” en allemand)
-> Le type “Rambo” : Wladimir P.
-> Le type « Latin lover » : Silvio B.
-> Le type « Beachboy » : Nicolas S.
-> Le type “Top Gun” : George B.


Et les femmes dans tout ça ? Existe-t-il une place pour les femmes au pouvoir dans l’esprit de nos « super-politiciens »?

Il semble, hélas, qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

En effet, Nicolas Sarkozy ne sous-estime-t-il pas la Chancelière allemande A. Merkel quand il déclare devant les caméras de France 2, le 20 septembre 2007, à propos du traité simplifié : « C’est la France qui a poussé cela, avec - d’ailleurs - le travail remarquable d’Angela Merkel » ? Voilà un petit mot – « d’ailleurs » – qui semble en dire long sur la place concédée dans son esprit, en Europe, à la Chancelière. Rappelons tout de même qu’Angela Merkel, qui se trouvait à la Présidence de l’Union européenne durant les six premiers mois de l’année, n’a pas chômé durant tout ce temps ni bien avant. Quant aux éloges faits sur le « travail remarquable » de Madame Merkel, ils s’ajoutaient étrangement à une longue liste de bons points distribués par M. Sarkozy à ses ministres subalternes, systématiquement félicités par leur chef avec le désormais sempiternel « travail remarquable »...

On parle beaucoup, ces temps-ci, des signes d’agacement montrés par Berlin face à ce qui est interprété Outre-Rhin comme de l’arrogance. Il est vrai que les responsables politiques allemands, hommes et femmes confondus, ne se privent pas pour exprimer leur irritation. Quant à Angela Merkel, ce ne serait pas la première fois qu’elle se trouverait sous-estimée par ses collègues hommes. Avec les résultats que l’on sait : l’Allemagne possède, avec elle, la première Chancelière de son histoire…. Ses collaborateurs louent son sens de la répartie, comme le prouve l’anecdote suivante : « Lors de sa candidature à la Chancellerie, des journalistes lui ont demandé ce qui, sans elle, manquerait finalement à l’Allemagne. Réponse sèche de Merkel : « moi ». (4)


Dans ce même article, « Une femme à la Chancellerie » (4) , Tina Hildebrandt analyse par ailleurs les raisons pour lesquelles les artistes de cabaret allemands se cassent les dents sur le phénomène Merkel.

Dans cet article, il est question du côté rassurant du « minimalisme merkelien », du fait que, « chez Merkel, le rôle du conjoint est inexistant » et cela est qualifié dans l’article, d « extrêmement bienfaisant ». Et plus encore : Merkel s’ingénierait « à se rendre invisible, inattaquable et impossible à parodier. » « Ses vêtements lui servent à se voiler plus qu’à se mettre en valeur ». Toujours selon cet article, elle maîtrise l’art de « l’auto-ironie passive » et de la « répartie ». Et sa capacité à «juger les autres mieux que les autres ne savent la juger constitue une des raisons principales de sa carrière ».

Afin d’illustrer son raisonnement, l’auteur cite une pièce de théâtre de l’artiste de cabaret Rainer Kröhnert. Le metteur en scène y parodie Werner Herzog voulant tourner un film intitulé « Crash », dans lequel « des politiciens jouent des comédiens qui jouent des politiciens qui sont des comédiens ». Tous les hommes se bousculent pour y participer. Mais « une seule refuse : Merkel ». Et la journaliste termine son article en citant un artiste de cabaret célèbre : « Plus on y réfléchit, plus on arrive à la conclusion que […] l’endroit adéquat pour Merkel ne serait pas la Chancellerie, mais le Berliner Ensemble. Par exemple pour une pièce de théâtre dans laquelle des comédiens jouent des politiciens qui jouent des comédiens etc…. Mais alors, elle occuperait la place du metteur en scène. »

En effet, « les artistes de cabaret la considèrent comme une collègue en raison de la distance qu’elle prend par rapport aux événements ». Ainsi, ni les embrassades ostentatoires dont la gratifient (certains de) ses collègues hommes ni le recours à l’évocation péremptoire « de liens sacrés » entre la France et l’Allemagne ne sauraient lui jeter de la poudre aux yeux.
N. Sarkozy se fait-il d’ailleurs vraiment conseiller en matière de relations franco-allemandes ? Il aurait été judicieux, en effet, de prévenir le Chef de l’État que l’emploi de l’expression « liens sacrés », utilisée par N. Sarkozy lors de sa première visite officielle, le 16 mai 2007, à Berlin – peut s’avérer contre-productive et qu’elle est même susceptible de provoquer une réaction de rejet, tant elle est étrangère au vocabulaire et à la sensibilité des Allemands.


Toujours est-il que, si Angela Merkel s’affirme bien comme l’antithèse du machisme politique, Andrea Böhm(2) nous rappelle néanmoins que la politique machiste n’est pas forcément l’apanage des hommes. En effet, l’ère Thatcher a fait la démonstration brutale d’une « surcompensation féminine ». Et l’auteur de conclure en rappelant que, si «l’Allemagne s’en sort naturellement bien avec Angela Merkel, nous ne devons pas oublier que tourner en dérision l’allure martiale des Américains ou des Russes ne suffit pas en soi à garantir une politique (étrangère) raisonnable.( 2) » Et c’est en évoquant les pires ravages opérés autrefois en Allemagne par « une idéologie de la vexation nationale et de l’hyper-masculinité » qu’Andrea Böhm explique « pourquoi les poses martiales et machistes sont tant discréditées dans ce pays».

Réd. MoDemAll./GES

(1) Selon Forbes
(2) DIE ZEIT, édition du 23.08.07
(3) DER SPIEGEL, édition du 15.08.07
(4) LEBEN, supplément paru dans l’hebdomadaire DIE ZEIT (35/07)

1 Kommentar:

Anonym hat gesagt…

Mme Merkel me faisait l'impression d'une politicienne bien typique avant son élection, mais en fait elle est probablement un des meilleurs "hommes politiques" (politischer Mensch? comment exprimer la neutralité sexuelle en francais? L'homo politicus?) que j'aie pu observer de ma vie (j'ai 30 ans).
En même temps, elle a aussi bénéficié des réformes du gouvernement précédent. Mais au moins elle n'a pas dilapidé cet héritage... Chapeau bas.